Note de lecture portant sur le roman de Blasius Ngome
J`ai le Sida
Par Tikum Mbah Azonga
Le nom de Blasius Ngome est sans aucun doute un nom très connu dans les milieux communicationnels camerounais, car il intègre depuis bientôt 17 ans la Cellule de Relations Publiques et de la Communication de la Société Nationale de Raffinage (SONARA) du Cameroun, dans un premier temps (1994-2005) en qualité de Directeur Adjoint de la Communication et des Affaires Sociales, et depuis lors comme Responsable des Relations Publiques et de la Communication. Mais ce cadre supérieur porte plusieurs casquettes, dont celle d’auteur et plus précisément romancier. Il est auteur de J’ai le Sida, ouvrage publié en 1994 mais toujours d’actualité.
J’ai le Sida est l’histoire d’une personne – Damascus Sondia –atteinte par de multiples maladies et qui voit sa situation dégénérer au point où il est « assis à même le sol, les bras croisés sur les genoux, la tête sur les bras, le dos courbé, le regard fixé au sol, les yeux mouillés de larmes, le corps meurtri par le chagrin.» Incidemment, telle est exactement l’image de la photo qui habille la couverture du roman. Entre ce dessin de l’infortuné à la couverture, l’on retrouve en haut, le nom de l’auteur, et en bas le titre du roman. L’homme qui est ainsi entreposé entre les deux écrits et qui ne relève pas la tête – signe de la défaite et de l’échec - est donc un homme abattu et, terrassé, voire « fini » comme on dit couramment ici au Cameroun. En effet, grâce a cette image de la couverture on accède à un autre niveau d’interprétation de l’image car il s’agit de la désolation totale, l’auteur s’assurant que le titre de l’ouvrage apparaît en dessous des pieds de l’infortuné et en gros caractères rouges. Cette couleur comme on le sait bien est la plus criarde de toutes les couleurs et représente à la fois le feu et le sang, symboles du danger, voire de la mort. Mais il y a plus, étant donné que la page de couverture porte également la couleur noire – couleur de deuil – en toile de fond. On le voit bien : il faut redouter le sida.
Néanmoins, il n’y a pas que la situation de Sondia qui l’inquiète : « Dans son esprit défile un à un ses collègues séropositifs décédés, ses amis, relations, les membres de sa famille victimes de sida. » Sondia est un homme qui aime les femmes : « des occasions similaires se multiplièrent au fil des années non seulement avec Aicha mais avec d’autres : des métisses, des quarts de métisses, des filles à la peau chocolatée, café au lait, bois d’ébène. »
Un jour, Sondia est amené à faire un test involontaire du sida. L’auteur joue alors sur la psychologie du lecteur en ne faisant connaître le résultat du test qu’au tout dernier chapitre du livre, c’est-à-dire, au chapitre dix huit. Pourtant, si l’attente se fait longue le personnage principal qu’est Sondia n’en est pas la seule victime, car le lecteur compte aussi avec une certaine impatience les jours qui passent pour connaître le statut sérologique de Sondia.
Pendant que Sondia attend son destin qui est entre les mains du médecin, il se décide à mieux connaître le sida. Pour ce faire, il multiplie les recherches : « En fin de compte, ses recherches l’amenèrent à prendre connaissance de la manière de vivre avec le sida. » Il modifie ses habitudes sexuelles : « au revoir à la fornication, l’adultère, le mensonge, le vol, les détournements, la haine. » Il s’apprête même à affronter le pire : « Et quand viendra la mort, elle ne me surprendra point par ce que je m’y serai préparé au préalable. Je ferai creuser moi-même ma tombe, la ferai construire en béton armé, revêtue de marbre et d’une profondeur de deux mètres au moins, légèrement plus longue que ma taille afin que je n’y étouffe pas. »
Sondia trouve le courage de s’insurger contre le fléau : « Ce faux militaire appelé VIH/SIDA entre dans l’organisme. Première attaque, il détruit le système de défense du corps, le rendant ainsi vulnérable à des germes. Il observe les effets néfastes sur son ennemi matérialisé par la présence des ganglions, fièvre, fatigue, courbatures, douleurs articulaires, éruptions cutanées, ulcérations des muqueuses, sueurs nocturnes, amaigrissements. »
L’auteur arrive à ficeler son ouvrage tellement bien que malgré les multiples maladies qui assomment Sondia et malgré sa vie bohémienne, lorsque le résultat du est lui est annoncé le lecteur tout comme le personnage est pris à contre-pied car Sondia n’est pas séropositif comme on devait s’y attendre mais séronégatif. Les conseils du médecin : « En homme responsable et réfléchi, vous savez ce qui vous reste à faire. »
Pour Sondia, il vient d’apprendre une leçon qu’il n’oubliera jamais : « En quittant son médecin il signa avec sa propre conscience de façon unilatérale et irréversible un pacte avec la fidélité. Il avait une seule et unique prescription pour les enfants en âge de puberté : l’abstinence ! Il avait un seul conseil à donner au monde entier : la prudence. »
Bien que le récit de Ngome relève du genre romanesque, à le lire, on est tenté de croire qu’il s’agit d’une histoire vraie et non de la fiction. Tellement les faits relatés sont convaincants et vraisemblables ! Pourtant l’auteur affiche une mise en garde : « En raison du caractère d’actualité de cet ouvrage, l’auteur tient à préciser que toute vraisemblance entre certains personnages présentés ici et des personnes vivantes ou ayant vécu ne pourrait être que le fait d’une coïncidence. »
J’ai le Sida est composé de dix huit chapitres relativement courts, ce qui facilite la lecture. L’écrit est bien espacé et confectionné de caractères assez gros pour ne pas nuire à ceux qui ont des problèmes de lecture. L’auteur fait usage d’une méthode originale pour résumer sa philosophie. C’est ainsi que l’on retrouve entre la page de dédicace et le début du premier chapitre, cette citation de Jean Paul Sartre : « L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il fait. » On le comprend bien, il s’agit d’une autre perspective dont on peut se servir pour comprendre les déboires de Sondia et la victoire finale qui en résulte à travers le verdict plutôt surprenant du médecin. Ceci étant, le lecteur est en droit de se demander si cette conclusion inattendue de la part de l’auteur n’est pas à la fin aléatoire, car laissant penser que l’on peut bien jouer à Don Juan comme on veut et finir par ne pas être infecté par le sida. En d’autres termes, on peut faire le malin et ne pas être pris au piège et par la suite ne pas être puni. Autre critique à relever : pour un sujet aussi brûlant que le sida, il est à regretter que les chapitres ne soient pas sous titrés pour un peu résumer à l’avance le contenu et en passant, retenir davantage l’attention du lecteur.
En prélude, l’auteur de l’ouvrage rend un hommage vibrant à ses proches, à commencer par « Dieu le Père ». Ensuite, il fait allusion à ceux qui lui ont « offert gracieusement leur fille Ethel », mère de ses quatre enfants que sont Lombe, Ewange, Ebangha-Dio et MayerArrey. Vous l’avez compris : il s’agit de ses beaux-parents, Solomon Ashu et Cecilia Arrey. Il n’oublie pas son lieu de service, la SONARA, car il réserve une place de choix à Bernard et Tina Eding, celui-là étant le premier Directeur Général de la SONARA sous qui l’auteur a commencé sa carrière au sein de la société d’Etat. Ensuite et non des moindres, Ngome boucle la boucle sur l’actuel Directeur Général de la SONARA, Charles Metouck et son épouse Ruth, « pour qui l’éducation est une base fondamentale du développement humain. »
Blasius Ngome est né à Mbat-Bangem, Département du Koupé-Manengouba dans la Région du Sud Ouest du Cameroun. De souche anglophone donc, il fait quand même ses études primaires et secondaires dans la ville francophone de Nkongsamba, Département du Moungo dans la Région du Littoral où il a fréquenté à l’Ecole Saint Martin et au célèbre Lycée de Manengouba. Ngome détient une Maîtrise en Lettres Modernes Anglaises, des diplômes en traduction, en communication et en linguistique. Il est également Licencié en Lettres Bilingues (anglais/français).
Pour un livre sorti il y a 16 ans, J’ai le Sida n’a rien perdu de son éclat et de son charme, car il reste toujours d’actualité. Cet ouvrage intéressera quiconque se donnera la peine de le lire, même ceux qui l’ont déjà lu. Abondance de bien ne nuit pas.
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M. Blasius Ngome
B.P. 365
Limbe
Région du Sud Ouest
République du Cameroun
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