samedi 26 septembre 2009

LANGUE MATERNELLE: UN SON DE CLOCHE QUI PERSISTE ET SIGNE

(Article paru dans le quotidien national camerounais, MUTATIONS, le 6 mars 2007)

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L’Unesco promeut le multilinguisme, en encourageant la reconnaissance et l’acquisition d’au moins trois niveaux de compétences linguistiques pour tous ; une langue maternelle, une langue nationale et une langue véhiculaire.
Par Tikum Mbah Azonga*
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Décidément, les jours se suivent et se ressemblent. La Journée Internationale de la Langue Maternelle, célébrée avec faste le 21 février au Cameroun comme ailleurs dans le monde est passée, consommée et devrait en principe être classée. Mais, que non, car ses échos continuent de se faire entendre de part et d’autre. Les médias nationaux ne cessent d’y revenir.
Quoi qu’il en soit, dans le cas de notre pays le Cameroun, un tel débat ne fait que suivre l’ordre normal des choses, compte tenu de la multitude des langues maternelles que compte le pays. En effet, les chercheurs et linguistes ont dénombré plus de 230 (deux cents trente) langues sur l’ensemble du territoire national camerounais. Et à cela il faut ajouter les deux langues officielles que sont l’anglais et le français. Et bien entendu, le pidgin qui sert de lingua franca. Ce phénomène fait du Cameroun, une véritable mosaïque linguistique, c’est-à-dire, un brassage, voire un métissage qui ne fait qu’enrichir davantage un patrimoine linguistique, culturel et touristique déjà très fourni.

Le Cameroun n’étant qu’un microcosme dans le macrocosme qu’est le monde linguistique, on peut bien imaginer à quel point la multiplicité des langues gagnerait de l’ampleur. Tenez ! Il y a près de 7000 (sept mille) langues maternelles dans le monde pour 225 (deux cents vingt cinq) pays. Cela veut dire qu’en moyenne, chaque pays compte 30 (trente) langues. En termes de continents, l’Afrique (35.9), l’Asie (47.0) et l’Océanie (48.2) se taillent la part du lion avec les moyennes les plus élevées. En outre, il faut noter qu’un tiers des langues du monde se parlent en Afrique. Incidemment, ces continents à eux seuls représentent jusqu’à 70 (soixante dix) pour cent de la population du monde. Dans une telle situation, le multilinguisme devient inévitable et incontournable.

La multiplicité des langues nous amène à un autre phénomène, c’est-à-dire, celui du multilinguisme (ou plurilinguisme), le multilinguisme pouvant être défini comme la complexité qui résulte de la collaboration des langues. Le multilinguisme peut revêtir plusieurs formes dont la forme individuelle et la forme étatique. Au plus simple degré, ce phénomène peut grosso modo correspondre au phénomène du bilinguisme, voire le trilinguisme de l’individu. Au sens le plus large du terme, c’est-à-dire, le multilinguisme social, le phénomène peut s’étendre à la communauté. Au sein du multilinguisme, on peut retrouver la diglossie qui est un autre phénomène social caractérisé par l’emploi d’une des langues que l’on maîtrise pour remplir une fonction sociale spécifique telle que la fonction interpersonnelle ou religieuse et l’emploi d’une autre langue pour remplir une autre fonction comme celle des affaires ou de l’école.

La langue maternelle, et par extension toute langue, revêt une importance charnière pour son peuple comme pour la communauté au sens le plus large du terme. C’est précisément cette conviction qui a dû pousser le Directeur Général de l’Unesco à dire, dans son message au monde à l’occasion de la Journée Mondiale de la Langue Maternelle de cette année : "La langue est une fondation de la culture, de l’essence de l’être humain. Elle est l’école du respect de la terre, de l’histoire et de la culture de l’homme."
Par conséquent, l’Unesco s’est assigné comme mission la promotion du multilinguisme, notamment dans le système scolaire en encourageant la reconnaissance et l’acquisition d’au moins trois niveaux de compétences linguistiques pour tous ; une langue maternelle, une langue nationale et une langue véhiculaire. "

A y regarder de plus près, on se rend compte que 14 sur 22 pays en Afrique subsaharien ont fait du français une langue officielle comme d’ailleurs 11 sur les 18 pays anglophones de la même région ont fait de l’Anglais. Pourtant le pourcentage de personnes parlant ces mangues dans la région est minime, c’est-à-dire, entre 3 et 5 pour cent. On note également que très peu de pays enseignent leurs langues maternelles/nationales et que bon nombre de pays préfèrent plutôt y accorder un certain temps d’antenne, souvent à la radio.
Un autre constat est que les langues du monde semblent s’être livrées à une sorte de jeu qui est régi par la loi du plus fort. C’est probablement ce phénomène qui a poussé Jacques Dhaussy (1989) à écrire dans La Gazette (No. 49, mars-avril 1989): "L’une des langues de la C.E.E. prendra-t-elle le pas sur d’autres? On devienne laquelle, qu’Allemands, Néerlandais et Danois pratiquent avec facilité. L’anglais deviendra-t-il la ‘lingua franca’ du grand ensemble économique ? Ou bien chaque Etat devra-t-il se battre davantage pour sauver sa culture?".

Les conséquences de la percée que les langues étrangères font sur les langues maternelles /nationales sont lourdes. Cette préoccupation est réelle, étant donné que 50 %, soit la moitié des langues du monde risquent de disparaître faute d’usage, si des mesures draconiennes ne sont pas prises d’urgences par les Etats d’une part et par les autres acteurs d’autre part, mais surtout l’Etat qui de par ses politiques nationales est en mesure de poser des actes qui portent. Une étude faite par le chercheur camerounais Bitjaa Kody (2002) démontre que les jeunes camerounais perdent progressivement leur Langue maternelle au profit de la langue française. De même, Castellotti et de Carlo (2002) ont noté une maîtrise insuffisante de la langue maternelle en ce qui concerne la morphologie et la syntaxe, pendant leur implication dans le double processus enseignement/apprentissage. Tel était le cas surtout lorsqu s’agissait de passer d’un code linguistique à un autre.
Ceci étant, on est en droit de se poser la question de savoir si les langues maternelles sont vouées à l’échec, ou il y a quelque part une sortie de secours. Dans le cas du Cameroun, il faut reconnaître qu’en plus des efforts déployés par les Nations Unies par le biais de l’Unesco, ni l’Etat camerounais, ni le secteur privé tel que les ONG n’ont baissé les bras.

Par exemple, dans un article paru sous le titre : " Pour une application des modèles généralisables d’enseignement des langues nationales au Cameroun publié dans The African Journal of Linguistics (2002), Gabriel Mba, enseignant à l’Université de Yaounde 1 préconise l’utilisation de ce qu’il appelle "modèles d’enseignement généralisables" sur l’ensemble du territoire national camerounais, et même au-delà.
Selon l’auteur, une telle approche permettrait une meilleure gestion des langues sur les plans scientifique et administratif. Sadembouo et Tadadjeu (2002) quant à eux estiment que : "si le français est une Langue Seconde pour la majorité des Camerounais, son enseignement devrait partir de celui de la Langue Première des apprenants". Ces deux derniers chercheurs constituent d’ailleurs les piliers d’une solution pratique aux carences liées à la langue maternelle. Il s’agit du Projet de Recherche Opérationnelle pour l’Enseignement des Langues au Cameroun (PROPELCA).

A tous ces efforts, il faut ajouter l’initiative très originale de la SIL, ONG linguistique américaine fermement implantée au Cameroun avec pour objectif de former les autochtones d’autant de langues maternelles que possible à écrire et à lire leurs propres langues maternelles.
Quoiqu’il en soit, une chose est sûre : malgré le difficile avancement des langues maternelles, il incombe à tous les acteurs dans le processus d’usage de celles-ci de tout mettre en œuvre pour les sauvegarder, leur utilité n’étant plus à démontrer. Sûrement, il est possible de mettre l’accent sur les langues maternelles tout en conservant les langues "étrangères", et nous entendons par là, les deux langues officielles que sont le français et l’anglais. C’est une chose noble que d’avoir dans son pays jusqu’à 230 langues et avoir comme cerise sur le gâteau, deux autres langues (même si elles sont étrangères) comme langues étrangères. Comme le dit si bien le dicton, abondance de bien ne nuit pas.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

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Tikum Mbah Azonga a dit…

Danke Schoen.

TMA